Prix Miroir de l'Art
Le Prix Miroir de l'Art est remis chaque année au mois de décembre.
Depuis sa création en 2012, le Prix Miroir de l’Art a souhaité mettre en avant des artistes au profil atypique,
dont le travail mérite un éclairage particulier.
Découvrez les lauréats ci-dessous.
Martin HOLLEBECQ (2024)
Le sculpteur sur pierre est à l’art ce qu’est le puncheur à la boxe. Il lui faut user avec intelligence et lucidité de coups efficaces et redoublés s’il veut parvenir à ses fins et arracher à la pierre des secrets cachés depuis des millénaires. En se confrontant au minéral il accepte un âpre combat, ô combien physique, sans repentir possible… Martin Hollebecq s’engage chaque jour à pleines mains dans un corps à corps éprouvant, détruit beaucoup, et ne garde au final que les pièces qui lui paraissent exprimer pleinement les subtilités de l’enfoui. Lui qui privilégie le plus souvent la pierre bleue de Soignies (une pierre calcaire au riche passé géologique), sans cesse en cause le résultat de ses coups de burin, de poinçons, de ciseaux, de rifloirs… Il est comme ça, Martin, inflexible sur ce qui constitue sa raison d’être.
Par ailleurs, ce qui étonne chez lui, ce qui ne cesse d’impressionner celles et ceux qui suivent son travail, c’’est son aptitude à se renouveler. Les artistes s’enferment parfois dans un système dont il n’est pas aisé de s’extirper, une redite, ou une recette, à laquelle on les identifie et qui devient une sorte de prison. Martin Hollebecq, quant à lui, échappe à cette problématique. Il est un inventeur de formes, concomitamment au fait d’être aussi un révélateur d’émotion. Sa sculpture, abstraite, offre une jolie palette de figures épurées, animées par la tension des courbes, des lignes, des stries et des crevasses.
Vladimir ZBYNOVSKY (2022)
Vladimir Zbynovsky associe le verre et la pierre. C’est sa marque de fabrique, sa signature. Sculpteur, il les façonne en veillant à taire toute trace du travail de la main, comme s’il se gardait de trop en dire ou bien plutôt comme s’il entendait préserver le mystère qui s’invite aussitôt que les deux matériaux sont associés. Il les agrège et de leur union antagoniste sourd une lumière d’outre-monde, qui exprime tout à la fois l’éternelle emprise du temps et la vivante harmonie des éléments. La beauté qui surgit de cette confrontation nous renvoie à la mémoire et au sacré. Il émane de ces sculptures une espèce d’aura qui en font des objets saisissants, presque improbables, traversés par une clarté venue du fond des âges et, osons le mot, « divine ». Il n’est pas interdit de penser que d’ici à quelques siècles, les sculptures de Zbynovsky seront considérées à l’égal d’ex-voto destinés à rendre grâce à l’insondable complexité du monde, et que mes confrères du futur y voient non seulement des œuvres d’art mais aussi des objets d’un rite, secret peut-être, non avoué, qui aura eu pour raison première de connecter le regardeur à l’informulée poésie.
Gérard CAMBON (2020)
L’univers singulier (souvent imité, c’est la triste vérité, mais jamais égalé) de Gérard Cambon, mérite pour mille raisons de figurer en bonne place dans notre prestigieux palmarès. Expression d’un génial assembleur d’éléments hétéroclites, son art est un magnifique pied-de-nez à notre époque si compassée. L’humour y est consubstantiel de la démarche créatrice mais il n’en est pas l’unique rouage. Le monde selon Cambon est un monde en révolution permanente, qui ne cesse d’évoluer au gré de la fantaisie de l’artiste, et dont les multiples facettes renvoient aux enjeux de notre propre réalité.
Pablo FLAISZMAN (2018)
Après le sculpteur Pierre Riba en 2017, et à la suite de Lionel Tonda en 2012, Anne Bothuon en 2013, Jörg Hermle en 2014, Hans Jorgensen en 2015 et Abraham Hadad en 2016, c’est donc Pablo Flaiszman (déjà aperçu plusieurs fois dans nos colonnes) qui est mis à l’honneur cette année. Le Prix annuel de Miroir de l’Art vise à mettre en exergue un artiste au travail atypique. Pablo Flaiszman et ses subtiles et très personnelles aquatintes appartient à cette catégorie d’artistes qu’il nous plait d’honorer. Voici un extrait de ce que nous écrivions dans le numéro 79 sur son œuvre : Une musique sourde monte de ces gravures, comme une voix de basse, à peine audible, qui souligne dans chaque trait l’étrangeté de nos vies minuscules. Et la galeriste Laurence Paton écrit comme en écho : Même les scènes les plus familières— un enfant à table avec ses parents, un couple qui s’embrasse, seul au monde, à la fin d’une soirée— basculent dans l’étrange... Oui vraiment, ce 7ème Prix Miroir de l’Art est amplement mérité pour cet artiste né en en 1970 à Buenos-Aires (Argentine), qui vit et travaille à Paris depuis 2000 et qui est représenté par la galerie L’échiquier à Paris.
Abraham HADAD (2016)
Comme il le mérite Abraham ce Prix Miroir de l’Art, lui qui peint depuis plus de cinquante ans, et dont le travail n’a jamais cherché à suivre quelque mode que ce soit. Il est libre, obstiné, et sa peinture ne ressemble à aucune autre. Etrange peinture au sein de laquelle on rencontre de drôles de personnages aux grands yeux écarquillés, des humains revus et corrigés façon Hadad, qui évoluent de tableau en tableau, souvent dans le plus simple appareil, qui vivent une vie sur laquelle ne semble peser aucune ombre… « Je me compare à un conteur qui raconte toujours la même histoire, d'une façon à chaque fois différente. C'est la même histoire et ce n'est pas la même chose » aime à dire ce peintre discret, éminemment sympathique.
Jörg HERMLE (2014)
Voici un artiste qui aime à prendre des risques. Son dessin, à l’instar de sa peinture, entend ne pas se situer seulement dans le champ de la représentation, mais, de façon autrement plus courageuse et engagée, s’inscrire dans la tradition expressionniste, celle qui analyse, dissèque ou dénonce les travers du genre humain. Pour cela, Jörg Hermle ne manque ni de l’œil sagace nécessaire à saisir ce qui cloche au quotidien dans notre civilisation ni de l’humour indispensable à toute bonne mise en perspective. Il nous régale depuis des lustres avec ses mises en scène, visions d’un monde souvent cocasse, lorsque, par exemple, il décrit, les habitués d’un restaurant plus occupés par l’écran tactile de leur téléphone portable que par ce qui se trouve dans leur assiette… Son trait, comme les angles qu’il choisit, font mouche pour souligner les grands incontournables de la condition humaine : la convoitise, la bêtise, la solitude… Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire, dans un siècle, dans deux siècles, on admirera l’Art de Jörg autant pour ses indéniables qualités plastiques que pour ses « lucidités amères ».
Lionel TONDA (2012)
Son art comme la recherche perpétuelle de ce qui peuple l’imaginaire de notre temps. Comme la quête obstinée de nouvelles formes de vie, de nouvelles espèces, en quelque sorte. Ses créatures surgissent d’on ne sait où et se dressent dans la lumière, habillées d’un métal rouge et gris, et il n’est guère possible de se raccrocher à quelque souvenir pour les identifier ; elles rappellent parfois quelque insecte, quelque poisson, mais le plus souvent leur singularité est telle qu’elles semblent venir d’une autre planète
Gottfried SALZMANN (2023)
Les années passent mais n’ont pas d’impact sur l’acuité de son regard, ni sur sa volonté de renouveler ses thématiques. S’il reste fidèle à Paris et New-York, ses thèmes de prédilection, Gottfried Salzmann ne répugne pas à sortir de sa « zone de confort » en abordant le paysage à travers de nouvelles séries, telle celle qu’il consacre à de verdoyants territoires vus d’avion, dont la hardiesse d’exécution (et de cadrage) est en quelque sorte sa signature. Son œil de photographe averti l’autorise à toutes les audaces et il nous régale depuis des années de ses panoramas identifiables au premier regard, au sein desquels l’aquarelle, poussée à un degré de maîtrise rare se pare de nuances et de transparences complexes et puissamment évocatrices.
Qu’il représente la ville vue d’en haut ou perçue à l’ombre de ses architectures, les monuments qui en ponctuent la cartographie, ou encore les forêts ou les fleuves qui traversent nos campagnes, Gottfried Salzmann veille à ce que la vision qu’il en donne soit singulière et éminemment graphique. « Je suis tout particulièrement ému, explique-t-il ainsi, par les vues plongeantes et les contre-plongées. Outre ces perspectives architecturales et paysagères quotidiennes et omniprésentes, les reflets et les ombres sont pour moi une source de fascination.».
Jean-Pierre SCHNEIDER (2021)
« Le sujet n’est qu’un support, un prétexte, un leurre peut-être pour nous obliger à entrer dans le tableau. En quelque sorte il nous rassure. » écrit la galeriste Sabine Puget à propos du travail de Jean-Pierre Schneider. Et là est bien effet l’essence même de l’action de peindre de cet artiste qui poursuit son chemin hors des courants dominants de l’art contemporain. Le souci de ne pas en dire plus qu’il n’en faudrait, de « mettre la peinture en mouvement », sans que le sujet lui confisque la parole, est caractéristique de ce travail épuré, musical, ouvert à l’interprétation, lumineux. Sabine Puget ajoute : « Par le trait, la forme et la couleur « en un certain ordre assemblés » Jean Pierre Schneider prend le risque de réinventer sans cesse son questionnement sur sa présence d’homme peintre dans le temps qui est le sien et dans lequel il nous invite à nous reconnaître ». Les enjeux de la peinture dépasse ici le factuel du sujet.
Ayako DAVID-KAWAUCHI (2019)
Saisir la vie, par la magie du fusain, de la pierre noire, saisir un geste, une expression, la grâce d’un mouvement de tête, la profondeur d’un regard, la vérité d’une attitude, voilà qui constitue la trame de l’art d’Ayako Kawauchi. Exercice périlleux et sans filet, chaque fois recommencé. A l’image de l’écrivain devant sa feuille blanche, il lui faut à chaque instant trouver non pas le mot juste, mais le juste trait, le juste équilibre, la juste image. Fil ténu sur lequel elle évolue, en ayant garde de verser dans une représentation trop misérabiliste, uniquement mue par la nécessité intérieure de s’emparer chez son modèle de la petite étincelle de vérité qu’elle y devine. Le dessin ici dans ce qu’il requiert de plus pur, de plus absolument vierge de toute pollution, de toute influence extérieure, émanation intime et personnelle d’une artiste atypique.
Pierre RIBA (2017)
Le travail de Riba, comme celui des autres lauréats du Prix Miroir de l’Art, ne peut en aucune façon se rattacher à une œuvre connue. Personne n’ose travailler le carton comme l’artiste du Gard, qui appartient à la trop petite famille des défricheurs. Ses sculptures résonnent de l’écho des civilisations dites primitives et dans le même temps irradient d’une indéniable modernité. Ainsi que j’ai déjà eu l’occasion de l’écrire, regardez une sculpture de Pierre Riba, c’est écouter la mélopée sourde des peuples du passé, remixée sur un rythme contemporain.
Hans JORGENSEN (2015)
Puisant son inspiration dans les angoisses de l’être humain, dans ses pulsions cachées, dans ses tourments, Hans Jorgensen nous offre des personnages figés dans la souffrance ou dans la transe, personnages saisis dans une expression exacerbée, que d’aucuns qualifieront d’expressionniste. Chaque être semble s’être brusquement pétrifié en un dernier sursaut, un ultime réflexe de vie. L’inanimé palpite encore dans le secret du bois que l’artiste utilise comme matériau, dans ces corps démantibulés qui continuent de brûler d’un feu intérieur que nulle force ne peut éteindre.
Anne BOTHUON (2013)
Un indéniable magnétisme se dégage de ces « chairs » de tarlatane. Le fil et l’aiguille ont créé ici de toutes pièces une humanité fragile et singulière. Voici le reflet de nos corps d’os et de sang, une foule étrange et paisible. De son travail, Anne Bothuon écrit : « Le choix de l'échelle à taille humaine confère aux sculptures un effet de miroir renvoyant le spectateur à lui même. Echanges de regards, de regards brodés ? Pas de socle, elles ont les pieds sur terre ou volent en apesanteur ou chutent en déséquilibre aussi légères que puissantes. La gaze de tarlatane teintée et rebrodée leur donne des transparences proches de la carnation. Loin de la technologie contemporaine, j'ai choisi le fil et l'aiguille et placé l’humain au centre de mes préoccupations ».